Je suis issu dune race connue pour la vigueur de
son imagination et son ardeur passionnée. Les hommes disent que
je suis fou; la question nest pas encore tranchée: à
savoir si la folie est ou nest pas la forme la plus haute de lintelligence,
si tout ce qui est profond ne vient pas dune pensée malade,
des humeurs de lesprit exaltées au détriment de
lintellect. Ceux qui rêvent le jour sont conscients de multiples
choses qui échappent à ceux qui ne rêvent que la
nuit. Dans leurs visions grises, ils perçoivent des visions déternité,
et frissonnent, à leur réveil, de trouver quils
étaient à deux doigts de découvrir le grand secret.
Par fragments, ils apprennent à connaître ce quest
le bien, et plus encore à savoir ce quest le mal. Cependant
ils pénètrent, sans gouvernail ou sans boussole dans le
vaste océan de lindicible, et encore, comme dans les aventures
du géographe nubien, agressi sunt mare tenebrarum, quid
in eo esset exploraturi.
Nous dirons donc que je suis fou. Jaccorde, tout
du moins, que ma vie psychologique se scinde en deux parties: celle
de la raison lucide, bien distincte, qui regroupe les souvenirs de la
première époque de ma vie; lautre, faite dombre
et de doute, jusquà aujourdhui, regroupe les souvenirs
de la seconde grande période de ma vie. Par conséquent,
ce que je dirai de la première période, veuillez le croire;
quand à ce que je relaterai de la dernière période,
croyez-y dans la mesure du possible: ou vous ne croyez à aucune
des deux, ou si vous y croyez vraiment, résolvez cette énigme
oedipienne.
Celle que jaimais dans ma jeunesse, et sur laquelle jécris
calmement et nettement ces souvenirs, était la fille unique de
lunique soeur de ma mère depuis longtemps disparue. Ma
cousine sappelait Eleonora. Nous avions toujours vécu ensemble,
sous un soleil tropical, dans la vallée aux herbes multicolores.
Personne ne sétait aventuré sans guide jusquà
cette vallée; car elle sétendait au loin à
travers une chaîne de collines géantes qui la surplombaient,
fermant à la lumière du soleil ses plus doux recoins.
Aucun sentier ne sillonnait ses environs; et, pour atteindre notre heureux
foyer, il fallait repousser le feuillage de milliers darbres de
la forêt, et mettre à mort des milliers de glorieuses fleurs
parfumées.
Ainsi nous vécûmes, seuls, ne connaissant du monde que
cette vallée, moi et ma cousine, et sa mère.
Des sombres régions au-delà des montagnes jusquaux
cimes de notre domaine en forme de cercle, se faufilait une rivière
étroite et profonde, plus brillante que tout excepté les
yeux dEleonora; et, suivant son cours labyrinthique, elle disparaissait
enfin à travers une gorge obscure, parmi des collines encore
plus sombres que celles doù elle prenait sa source. Nous
lappelions la Rivière du silence, car ses flots
semblaient avoir quelque chose de silencieux. Aucun murmure ne sortait
de son lit, et elle serpentait avec une telle douceur, que les cailloux
nacrés que nous aimions à contempler, au fond de son lit,
ne bougeaient point, parfaitement immobiles, chacun à la place
quil avait toujours tenu, brillant dune gloire éternelle.
Le bord de la rivière, et de maints petits ruisseaux éblouissants
qui affluaient vers elle par des chemins détournés, ainsi
que tout lespace qui sétendait depuis le bord, à
travers les profondeurs des torrents, jusquau lit de cailloux,
tous ces lieux, ainsi que toute la surface de la vallée, de la
rivière aux montagnes qui lentouraient, étaient
tous tapissés dune herbe dun doux vert, épaisse,
rase, parfaitement régulière et parfumée à
la vanille, mais si parsemée de boutons dor jaunes, de
pâquerettes blanches, de violettes pourpres, et dasphodèles
rouge rubis, que son outrageuse beauté ravissait nos coeurs,
de lamour et de la gloire de Dieu.
Et, ça et là, au milieu de cette herbe, comme des étendues
de rêves, sélevaient en bouquets des arbres fantastiques,
dont les grands troncs élancés ne se tenaient pas droits,
mais obliquaient vers la lumière qui visitait à midi le
centre de la vallée.
Ils étaient tachetés de vives et splendides couleurs passant
de lébène à largent , et étaient
plus lisses que tout excepté les joues dEleonora; si bien
que, sans le vert brillant des feuilles immenses qui se déployaient
à leurs sommets, aux longues et frémissantes courbes,
badinant avec les Zéphyrs, on aurait pu les prendre pour des
serpents géants de Syrie rendant hommage au Soleil, leur souverain.
Durant quinze années, Eleonora et moi, nous errâmes, main
dans la main, dans cette vallée, avant que lAmour ne pénètre
nos coeurs. Un soir, à la fin du troisième lustre de sa
vie, et du quatrième de la mienne, nous étions assis,
étroitement enlacés, sous les arbres en forme de serpents,
et contemplions nos reflets dans leau de la Rivière du
silence. Nous restâmes silencieux tout le restant de cette douce
journée, et même au matin, nos paroles étaient rares
et tremblantes.
Nous avions fait sortir le dieu Eros de ces flots, et nous avions alors
limpression quil nous avait transmis lâme fougueuse
de nos ancêtres. Les passions qui avaient distingué notre
race depuis des siècles, se précipitant en foule avec
les fantaisies qui lavaient également rendu célèbre,
soufflèrent ensemble un vent de délirante félicité
sur la Vallée aux herbes multicolores. Toutes choses se métamorphosèrent.
Détranges fleurs scintillantes, en forme détoiles,
senflammèrent à la cime des arbres, où lon
navait jamais vu aucune fleur.
Les teintes du tapis vert sassombrirent; et quand, lune
après lautre, les pâquerettes blanches rapetissèrent,
à leur place poussèrent, par bouquets de dix, des asphodèles
rubis rouge. Et la vie se propagea sur nos sentiers; car le grand flamand
rose, jamais vu dans les parages, avec tous les oiseaux aux couleurs
éclatantes, vint étaler son plumage écarlate devant
nos yeux. Les poissons dor et dargent vinrent peupler la
rivière, du fond de laquelle sortit, peu à peu, un murmure
qui se changea en une apaisante mélodie plus divine que celle
sortie de la harpe dEole, plus douce que tout, excepté
la voix dEleonora. Et à son tour, un nuage volumineux,
que nous avions longuement regardé dans les régions dHespérus,
dériva de là-bas, flamboyant dor et de feu, et sinstallant
paisiblement au dessus de nous, descendit, de jour en jour, toujours
plus bas, jusquà ce que ses bords touchent la cime des
montagnes, transformant leur obscurité en magnificence, et nous
enfermant, comme pour léternité, dans une prison
magique de splendeur et de gloire.
La beauté dEleonora était celle des Séraphins;
mais cétait une jeune fille sans artifice et innocente
comme la courte vie quelle avait vécue parmi les fleurs.
Aucune ruse ne déguisait la ferveur de lamour qui animait
son coeur, et elle en examinait avec moi les plus intimes recoins, tandis
que nous marchions ensemble dans la Vallée aux herbes multicolores,
et discutions des formidables changements qui venaient davoir
lieu.
Enfin, ayant parlé une journée entière, en larmes,
du cruel changement qui attendait lHumanité, elle ne pensa
dès lors plus quà ce triste sujet, le mêlant
à toutes nos conversations, comme, dans les chansons du barde
de Schiraz, les mêmes images se répétant inlassablement
dans chaque importante variation de la phrase.
Elle avait vu que le doigt de la Mort était sur sa poitrine:
comme léphémère, sa beauté parfaite
ne la prédestinait quà mourir; mais leffroi
de la tombe tenait pour elle à une seule réflexion quelle
me confia, à la tombée de la nuit, sur les rives de la
Rivière du silence. Cela laffligeait de penser que, une
fois que je laurais ensevelie dans la Vallée aux herbes
multicolores, je quitterais pour toujours ses heureux paysages, transférant
lamour si passionné que je lui portais alors vers une autre
jeune fille du monde extérieur et vulgaire.
Et de temps à autre, je me jetais précipitamment
aux pieds dEleonora, je lui faisais le serment, à elle
et au Paradis, que je népouserais jamais une autre fille
de la Terre, et que je ne trahirais jamais son cher souvenir, ni le
souvenir de laffection fervente dont elle mavait fait grâce.
Et je pris le tout puissant créateur de lUnivers comme
témoin de la pieuse solennité de mon serment. Et la malédiction
que jinvoquai de Lui et delle, une sainte au Paradis, si
je devais trahir cette promesse, impliquait un châtiment tellement
atroce que je ne peux le relater ici. Et, à mes paroles, les
yeux dEleonora silluminèrent; et elle soupira comme
si sa poitrine était libérée dun fardeau
mortel; et elle trembla et pleura amèrement; mais elle accepta
mon serment, (après tout, nétait-elle pas quune
enfant?) qui lui rendit plus doux son passage vers la mort. Et elle
me dit, peu de jours après, mourant paisiblement, quune
fois défunte, grâce à ce que javais fait pour
la paix de son âme, elle veillerait sur moi dans cet état
desprit, et si cela lui était permis, elle reviendrait
me voir en personne durant les heures de la nuit; mais, si les âmes
du Paradis navaient pas ce privilège, elle se signalerait
fréquemment à ma présence, en soufflant au-dessus
de moi dans les brises nocturnes, ou en remplissant lair du parfum
de lencensoir des anges. Et, avec ces paroles aux lèvres,
elle quitta sa vie innocente, mettant ainsi fin à la première
époque de la mienne.
Jusquici, jai dit la vérité. Mais lorsque
je franchis cette barrière dans le Temps, que représente
la mort de ma bien-aimée, et en arrive à la seconde période
de mon existence, jai limpression quun voile envahit
mon cerveau, et je ne réponds plus de la parfaite exactitude
de mes propos. Mais poursuivons ce récit. Les années sécoulèrent
péniblement, et jhabitais toujours dans la Vallée
aux herbes multicolores; mais toutes choses se métamorphosèrent
une seconde fois. Les fleurs en forme détoiles se cachèrent
dans le tronc des arbres, et ne réapparurent plus. Les teintes
du tapis vert se fanèrent; et, lun après lautre,
les asphodèles rouge rubis se flétrirent; et à
leur place, poussèrent des violettes en forme dyeux, qui
se convulsionnaient et étaient toujours recouverts de rosée.
Et la Vie disparut de nos sentiers; le flamand rose ne vint plus étaler
son plumage écarlate, mais senvola tristement de la vallée
vers les collines, avec tous les oiseaux aux couleurs éclatantes
qui lavaient escorté. Et le poisson dor et dargent
nagea à travers la gorge jusquau bas du domaine et norna
plus jamais la douce rivière. Et lapaisante mélodie
plus douce que la harpe dEole, et plus divine que tout excepté
la voix dEleonora, séteignit peu à peu, par
murmures de plus en plus faibles, jusquà ce que la rivière
retourne, à la longue, à la solennité de son silence
originel. Puis, finalement, le volumineux nuage séleva
et, abandonnant les cimes des montagnes à leur ancienne obscurité,
reflua vers les régions dHespérus, et emporta toutes
ses superbes splendeurs dorées de la Vallée aux herbes
multicolores.
Mais les promesses dEleonora ne furent pas oubliées: car
jentendais les encensoirs des anges se balancer; et les effluves
dun parfum sacré flottaient continuellement dans la vallée
; et aux heures solitaires, quand mon coeur battait lourdement, les
vents qui baignaient mon front venaient sur moi chargés de doux
soupirs; et des murmures confus emplissaient souvent lair de la
nuit, et une fois, une fois seulement! je fus tiré de mon sommeil,
comme du sommeil de la mort, par le baiser de lèvres immatérielles
sur les miennes.
Mais même ainsi, mon coeur vide refusait de se remplir. Je rêvais
de lamour qui le remplissait jadis jusquà le faire
déborder. Enfin, la vallée me faisait souffrir en me rappelant
Eleonora, et je la quittai pour toujours pour les vanités et
les triomphes agités du monde.
Je me retrouvai dans une ville étrange, où
toutes choses semblaient faites pour effacer de ma mémoire les
doux rêves que javais rêvés si longtemps dans
la Vallée aux herbes multicolores. Les pompes et lapparat
dune cour imposante, le cliquetis furieux des armes, et la radieuse
beauté des femmes, étourdirent et intoxiquèrent
mon cerveau. Mais jusque là, mon âme était resté
fidèle à ses serments, et Eleonora me donnait toujours
des signes de sa présence durant les heures silencieuses de la
nuit. Soudain ces apparitions cessèrent, le monde sassombrit
devant mes yeux, et je fus frappé de stupeur par les pensées
brûlantes qui prenaient possession de moi, et les terribles tentations
qui massaillaient; car, venue dune terre lointaine et inconnue,
apparut à la cour joyeuse du roi que je servais, une jeune fille
à la beauté de laquelle tout mon coeur lâche succomba
tout de suite, aux pieds de laquelle je me prosternais sans résister,
dans la plus abjecte adoration. Quétait, en fait, ma passion
pour la jeune fille de la vallée, en comparaison de la ferveur,
du délire, et de ladoration mystique et extatique avec
laquelle jépanchai mon âme toute entière,
en larmes, aux pieds de la sublime Ermengarde? Oh, Ermengarde, lumineux
séraphin! Et tandis que je regardais dans les profondeurs de
son regard immémorial, je navais plus dyeux que pour
elle.
Je lépousai; je ne redoutais pourtant pas la malédiction
que javais invoquée; et sa fureur ne sabattit pas
sur moi. Et une fois, une seule fois dans le silence de la nuit, à
travers les jalousies de ma fenêtre, me parvinrent les doux soupirs
qui mavaient abandonné; et ils se modulèrent en
voix douce et familière qui me disait: Dors en paix! car
lEsprit de lAmour règne et gouverne et, en accueillant
dans ton coeur passionné la dénommée Ermengarde,
pour des raisons qui te seront révélées au Paradis,
tu es libéré de ton serment envers Eleonora.
Eleonora - Edgar Allan Poe
Sub conservatione formæ
specificæ salva anima.
Raymond Lully
I AM come of a race noted for vigour of fancy and ardour
of passion. Men have called me mad, but the question is not yet settled
whether madness is or is not the loftiest intelligence, whether much
that is glorious, whether all that is profound, does not spring from
disease of thought, from moods of mind exalted at the expense of the
general intellect. They who dream by day are cognisant of many things
which escape those who dream only by night. In their grey visions they
obtain glimpses of eternity, and thrill, in waking, to find that they
have been upon the verge of the great secret. In snatches they learn
something of the wisdom which is of good, and more of the mere knowledge
which is of evil. They penetrate, however rudderless or compassless,
into the vast ocean of the night ineffable, and again, like
the adventures of the Nubian geographer, agressi sunt mare tenebrarum,
quid in eo esset exploraturi.
We will say, then, that I am mad. I grant, at least, that
there are two distinct conditions of my mental existence, the condition
of a lucid reason not to be disputed, and belonging to the memory of
events forming the first epoch of my life, and a condition of shadow
and doubt, appertaining to the present, and to the recollection of what
constitutes the second great era of my being. Therefore, what I shall
tell of the earlier period, believe; and to what I may relate of the
later time, give only such credit as may seem due; or doubt it altogether;
or, if doubt it ye cannot, then play unto its riddle the Oedipus.
She whom I loved in youth, and of whom I now pen calmly
and distinctly these remembrances, was the sole daughter of the only
sister of my mother long departed. Eleonora was the name of my cousin.
We had always dwelt together, beneath a tropical sun, in the Valley
of the Many-Coloured Grass. No unguided footstep ever came upon that
vale, for it lay far away up among a range of giant hills that hung
beetling around about it, shutting out the sunlight from its sweetest
recesses. No path was trodden in its vicinity; and to reach our happy
home there was need of putting back with force the foliage of many thousands
of forest trees, and of crushing to death the glories of many millions
of fragrant flowers. Thus it was that we lived all alone, knowing nothing
of the world without the valleyI, and my cousin, and her mother.
From the dim regions beyond the mountains at the upper end
of our encircled domain, there crept out a narrow and deep river, brighter
than all save the eyes of Eleonora; and winding stealthily about in
mazy courses, it passed away at length through a shadowy gorge, among
hills still dimmer than those whence it had issued. We called it the
River of Silence, for there seemed to be a hushing influence
in its flow. No murmur arose from its bed, and so gently it wandered
along that the pearly pebbles upon which we loved to gaze, far down
within its bosom, stirred not at all, but lay in a motionless content,
each in its own old station, shining on gloriously for ever.
The margin of the river, and of the many dazzling rivulets
that glided through devious ways into its channel, as well as the spaces
that extended from the margins away down into the depths of the streams
until they reached the bed of pebbles at the bottom, these spots, not
less than the whole surface of the valley, from the river to the mountains
that girdled it in, were carpeted all by a soft green grass, thick,
short, perfectly even, and vanilla-perfumed, but so besprinkled throughout
with the yellow buttercup, the white daisy, the purple violet, and the
ruby-red asphodel, that its exceeding beauty spoke to our hearts in
loud tones of the love and of the glory of God.
And here and there, in groves about this grass, like wildernesses
of dreams, sprang up fantastic trees, whose tall slender stems stood
not upright, but slanted gracefully towards the light that peered at
noon-day into the centre of the valley. Their bark was speckled with
the vivid alternate splendour of ebony and silver, and was smoother
than all save the cheeks of Eleonora; so that but for the brilliant
green of the huge leaves that spread from their summits in long tremulous
lines, dallying with the zephyrs, one might have fancied them giant
serpents of Syria doing homage to their sovereign the sun.
Hand in hand about this valley, for fifteen years, roamed
I with Eleonora before love entered within our hearts. It was one evening
at the close of the third lustrum of her life, and of the fourth of
my own, that we sat locked in each others embrace, beneath the
serpent-like trees, and looked down within the waters of the River of
Silence at our images therein. We spoke no words during the rest of
that sweet day, and our words even upon the morrow were tremulous and
few. We had drawn the god Eros from that wave, and now we felt that
he had enkindled within us the fiery souls of our forefathers. The passions
which had for centuries distinguished our race came thronging with the
fancies for which they had been equally noted, and together breathed
a delirious bliss over the Valley of the Many-Coloured Grass. A change
fell upon all things. Strange, brilliant flowers, star-shaped, burst
out upon the trees where no flowers had been known before. The tints
of the green carpet deepened, and when, one by one, the white daisies
shrank away, there sprang up in place of them, ten by ten of the ruby-red
asphodel. And life arose in our paths, for the tall flamingo, hitherto
unseen, with all gay glowing birds, flaunted his scarlet plumage before
us. The golden and silver fish haunted the river, out of the bosom of
which issued, little by little, a murmur that swelled at length into
a lulling melody more divine than that of the harp of Æolus, sweeter
than all save the voice of Eleonora. And now, too, a voluminous cloud,
which we had long watched in the regions of Hesper, floated out thence,
all gorgeous in crimson and gold, and settling in peace above us, sank
day by day lower and lower until its edges rested upon the tops of the
mountains, turning all their dimness into magnificence, and shutting
us up as if for ever within a magic prison-house of grandeur and of
glory.
The loveliness of Eleonora was that of the Seraphim; but
she was a maiden artless and innocent as the brief life she had led
among the flowers. No guile disguised the fervour of love which animated
her heart, and she examined with me its inmost recesses as we walked
together in the Valley of the Many-Coloured Grass, and discoursed of
the mighty changes which had lately taken place therein.
At length, having spoken one day, in tears, of the last
sad change which must befall humanity, she thenceforward dwelt only
upon this one sorrowful theme, interweaving it into all our converse,
as, in the songs of the bard of Schiraz, the same images are found occurring
again and again in every impressive variation of phrase.
She had seen that the finger of Death was upon her bosomthat,
like the ephemeron, she had been made perfect in loveliness only to
die; but the terrors of the grave to her lay solely in a consideration
which she revealed to me one evening at twilight by the banks of the
River of Silence. She grieved to think that, having entombed her in
the Valley of the Many-Coloured Grass, I would quit for ever its happy
recesses, transferring the love which now was so passionately her own
to some maiden of the outer and every-day world.
And then and there I threw myself hurriedly at the feet
of Eleonora, and offered up a vow to herself and to Heaven, that I would
never bind myself in marriage to any daughter of Earththat I would
in no manner prove recreant to her dear memory, or to the memory of
the devout affection with which she had blessed me. And I called the
Mighty Ruler of the Universe to witness the pious solemnity of my vow.
And the curse which I invoked of Him and of her, a saint in Elusion,
should I prove traitorous to that promise, involved a penalty the exceeding
great horror of which will not permit me to make record of it here.
And the bright eyes of Eleonora grew brighter at my words; and she sighed
as if a deadly burthen had been taken from her breast; and she trembled
and very bitterly wept; but she made acceptance of the vow (for what
was she but a child?), and it made easy to her the bed of her death.
And she said to me, not many days afterwards, tranquilly dying, that,
because of what I had done for the comfort of her spirit, she would
watch over me in that spirit when departed, and, if so it were permitted
her, return to me visibly in the watches of the night; but, if this
thing were indeed beyond the power of the souls in Paradise, that she
would at least give me frequent indications of her presence; sighing
upon me in the evening winds, or filling the air which I breathed with
perfume from the censers of the angels. And, with these words upon her
lips, she yielded up her innocent life, putting an end to the first
epoch of my own.
Thus far I have faithfully said. But as I pass the barrier
in Times path, formed by the death of my beloved, and proceed
with the second era of my existence, I feel that a shadow gathers over
my brain, and I mistrust the perfect sanity of the record. But let me
on.Years dragged themselves along heavily, and still I dwelled
within the Valley of the Many-Coloured Grass; but a second change had
come upon all things. The star-shaped flowers shrank into the stems
of the trees, and appeared no more. The tints of the green carpet faded;
and, one by one, the ruby-red asphodels withered away; and there sprang
up, in place of them, ten by ten, dark, eye-like violets, that writhed
uneasily and were ever encumbered with dew. And Life departed from our
paths; for the tall flamingo flaunted no longer his scarlet plumage
before us, but flew sadly from the vale into the hills, with all the
gay growing birds that had arrived in his company. And the golden and
silver fish swam down through the gorge at the lower end of our domain,
and bedecked the sweet river never again. And the lulling melody that
had been softer than the wind-harp of Æolus, and more divine than
all save the voice of Eleonora, it died little by little away, in murmurs
growing lower and lower, until the stream returned, at length, utterly
into the solemnity of its original silence; and then, lastly, the voluminous
cloud uprose, and, abandoning the tops of the mountains to the dimness
of old, fell back into the regions of Hesper, and took away all its
manifold golden and gorgeous glories from the Valley of the Many-Coloured
Grass.
Yet the promises of Eleonora were not forgotten; for I heard
the sounds of the swinging of the censers of the angels; and streams
of a holy perfume floated ever and ever about the valley; and at lone
hours, when my heart beat heavily, the winds that bathed my brow came
unto me laden with soft sighs; and indistinct murmurs filled often the
night air; and onceoh, but once only! I was awakened from a slumber,
like the slumber of death, by the pressing of spiritual lips upon my
own.
But the void within my heart refused, even thus, to be filled.
I longed for the love which had before filled it to overflowing. At
length the valley pained me through its memories of Eleonora, and I
left it for ever for the vanities and the turbulent triumphs of the
world.
I found myself within a strange city, where all things might
have served to blot from recollection the sweet dreams I had dreamed
so long in the Valley of the Many-Coloured Grass. The pomps and pageantries
of a stately court, and the mad clangour of arms, and the radiant loveliness
of woman, bewildered and intoxicated my brain. But as yet my soul had
proved true to its vows, and the indications of the presence of Eleonora
were still given me in the silent hours of the night. Suddenly, these
manifestations ceased; and the world grew dark before mine eyes; and
I stood aghast at the burning thoughts which possessedat the terrible
temptations which beset me; for there came from some far, far distant
and unknown land, into the gay court of the king I served, a maiden
to whose footstool I bowed down without a struggle in the most ardent,
in the most abject worship of love. What indeed was my passion for the
young girl of the valley in comparison with the fervour and the delirium,
and the spirit-lifting ecstasy of adoration with which I poured out
my whole soul in tears at the feet of the ethereal Ermengarde?Oh,
bright was the seraph Ermengarde! and in that knowledge I had room for
none other.Oh, divine was the angel Ermengarde! and as I looked
down into the depths of her memorial eyes, I thought only of themand
of her.
I wedded;nor dreaded the curse I had invoked; and
its bitterness was not visited upon me. And oncebut once again
in the silence of the night, there came through my lattice the soft
sighs which had forsaken me; and they modelled themselves into familiar
and sweet voice, saying
Sleep in peace!for the Spirit of Love reigneth
and ruleth, and, in taking to thy passionate heart her who is Ermengarde,
thou art absolved, for reason which shall be made known to thee in Heaven,
of thy vows unto Eleonora.
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