Hands (from "Winesburg, Ohio) | Mains | Sherwood Anderson
Traduit de l'américain par Stéphane Chabrières

Study of Hands - Leonardo Da Vinci

Sur la véranda à moitié en ruines d’une petite maison à charpente de bois qui se tenait au bord d’un ravin près de la ville de Winesburg, Ohio, un petit homme vieux et obèse marchait de long en large avec nervosité. A travers un long champ que l’on avait ensemencé de trèfle, mais qui n’avait produit qu’une dense récolte d’herbes de moutarde jaune, il voyait la grande route sur laquelle roulait un chariot rempli de ramasseurs de baies qui revenaient des champs. Les remasseurs de baies, de jeunes garçons et de jeunes filles, riaient et criaient tapageusement. Un garçon vêtu d’une chemise bleue sauta du chariot et essaya d’attirer vers lui une des jeunes filles, qui criait et protestait d’une voix perçante. Les pieds du garçon soulevèrent un nuage de poussière qui cacha une partie du soleil couchant. Du champ immense, parvint une légère voix féminine. " Oh, toi Wing Biddlebaum, peigne tes cheveux, ils te tombent dans les yeux ", commanda la voix à cet homme, qui était chauve et dont les petites mains nerveuses parcouraient le front nu et blanc comme pour arranger une masse de mèches emmêlées.

Wing Biddlebaum, toujours effrayé et assailli d’un cortège fantomatique de doutes, ne se voyait nullement comme faisant partie de la vie de la ville où il vivait depuis vingt ans. Parmi tous les gens de Winesburg, une seule personne s’était rapproché de lui. Avec George Willard, fils de Tom Willard, il avait entamé une espèce d’amitié. George Willard était reporter au Winesburg Eagle et parfois en soirée il longeait la grande route jusqu’à la maison de Wing Biddlebaum. A présent, tandis que le vieil homme marchait de long en large sur la véranda, ses mains s’agitant nerveusement, il espérait que George Willard viendrait passer la soirée avec lui. Après que le chariot contenant les ramasseurs de baies soit passé, il parcourut le champ à travers les hautes herbes de moutarde et, grimpant sur une barrière de chemin de fer, il scruta avec anxiété la route qui menait à la ville. Pendant un moment, il resta ainsi, puis, la peur le submergeant, revint en courant marcher de nouveau sur le porche de sa maison.

En présence de George Willard, Wing Biddlebaum, qui pendant vingt ans avait été le mystère de la ville, perdait un peu de sa timidité, et sa personnalité obscure, envahi d’un océan de doutes, sortait explorer le monde. Avec le jeune reporter à ses côtés, il s’aventurait à la lumière du jour dans Main Street ou faisait les cent pas sur le porche devant sa maison, en parlant avec animation. Sa voix qui avait été basse et tremblante était devenue stridente et aigue. Sa silhouette voutée s’était redressée. Avec une sorte de tressaillement, comme le poisson rejeté dans le ruisseau par le pêcheur, Biddlebaum le silencieux, se mit à parler, s’efforçant de mettre en mots les idées qui s’étaient accumulées dans son esprit durant de longues années de silence.

Wing Biddlebaum parlait beaucoup avec ses mains. Ses doigts fins et expressifs, toujours actifs, s’efforçant toujours de se cacher dans ses poches ou derrière son dos, sortirent et devinrent les pistons du mécanisme de son expression.

L’histoire de Wing Biddlebaum est une histoire de mains. Leur activité insouciante, comme le battement des ailes d’un oiseau en cage, lui avait valu son nom. Un obscur poète de la ville y avait pensé. Ces mains alarmaient leur propriétaire. Il voulait les cacher et regardait avec étonnement les mains inexpressives d’autres hommes qui travaillaient à ses côtés dans les champs, ou passaient, conduisant des équipes ensommeillées sur les routes de campagne.

Quand il parlait à George Willard, Wing Biddlebaum fermait les poings et les frappait sur une table ou sur les murs de la maison. Cette activité le confortait encore plus. Si le désir de parler lui venait, quand tous deux marchaient dans les champs, il cherchait une souche ou la planche supérieure d’une barrière et en la frappant du poing, il parlait activement avec toujours plus d’aise.

L’histoire des mains de Wing Biddlebaum mériterait à elle seule un livre. Racontée avec compassion, elle éveillerait d’étranges et belles qualités chez des hommes obscurs. C’est le travail d’un poète. A Winesburg ces mains avaient attiré l’attention simplement à cause de leur activité. Grâce à elles, Wing Biddlebaum avait ramassé jusqu’à cent quarante kilos de fraises par jour. Ceci devint son trait distinctif, la raison de sa célébrité. Elles rendaient plus grotesque un individu déjà grotesque et insaisissable. Winesburg était fière des mains de Wing Biddlebaum de la même façon qu’elle l’était de la nouvelle maison en pierre de Banker White et de l’étalon bai de Wesley Loyer, Tony Tip, qui avait gagné le course de trop de deux-cent miles aux courses d’automne de Cleveland.

Quant à George Willard, il avait maintes fois voulu le questionner au sujet des mains. Parfois une curiosité presque débordante s’était emparée de lui. Il avait le sentiment qu’il devait y avoir une raison à leur étrange activité et à leur tendance à se cacher et seul un respect grandissant pour Wing Biddlebaum l’empêchait de poser les questions qui lui venaient souvent à l’esprit.

Une fois il avait failli le questionner. Tous deux marchaient dans les champs par une après-midi d’été et s’étaient arrêtés pour s’asseoir sur un talus herbeux. Tout l’après-midi, Wing Biddlebaum avait parlé comme quelqu’un d’inspiré. Il s’était arrêté près d’une barrière et, frappant la planche supérieure comme un pic-vert géant, avait parlé à George Willard en criant, condamnant sa tendance à trop être influencé par les gens qui l’entouraient. " Tu te détruis ", criait-il. " Tu voudrais être seul et rêver, et tu as peur de rêver. Tu veux être comme les autres dans cette ville. Tu les entends parler et tu essaies de les imiter. "
Sur le talus herbeux, Wing Biddlebaum avait essayé de retrouver ses esprits. Sa voix se fit douce et nostalgique, et avec un soupir de contentement il se lança dans un long discours sans queue ni tête, parlant comme dans un rêve.

De ce rêve Wing Biddlebaum fit un tableau à l’attention de George Willard. Dans ce tableau, les hommes vivaient de nouveau dans une espèce d’âge d’or pastoral. A travers une verte campagne, venaient de jeunes hommes bien proportionnés, certains à pied, d’autres à cheval. En foule ils se rassemblaient aux pieds d’un vieil homme qui était assis sous un arbre dans un petit jardin et qui leur parlait.
Wing Biddlebaum devint totalement inspiré. Pour une fois il oublia ses mains. Lentement elles vinrent se poser sur les épaules de George Willard. Quelque chose de nouveau et d’audacieux apparut dans sa voix tandis qu’il parlait. " Tu dois essayer d’oublier tout ce tu as appris, disait le vieil homme. " Tu dois te mettre à rêver. A partir de maintenant tu ne dois plus écouter la clameur des voix. "

Faisant une pause dans son discours, Wing Biddlebaum regarda George Willard longuement et sérieusement. Ses yeux brillaient. Il souleva ses mains pour caresser le garçon puis une impression d’horreur passa sur son visage.

D’un mouvement convulsif de son corps, Wing Biddlebaum se leva d’un bond et fourra ses mains au fond des poches de son pantalon. Les larmes lui vinrent aux yeux. " Il faut que je rentre à la maison. Je ne peux plus parler avec toi ", dit-il avec nervosité.

Sans se retourner, le vieil homme descendit en vitesse le flanc de colline et traversa une prairie, laissant George Willard perplexe et effrayé sur la pente herbeuse. Avec un frisson de terreur il se leva et longea la route jusqu’à la ville. " Je ne le questionnerai plus au sujet de ses mains, " se dit-il , touché par le souvenir de la terreur qu’il avait vu dans les yeux de l’homme. " Quelque chose ne va pas, mais je ne veux pas savoir ce que c’est. Ses mains ont quelque chose à voir avec ce qui lui fait peur chez moi et chez tout le monde. "

Et George Willard avait raison. Evoquons brièvement l’histoire de ses mains. Peut-être que le fait de parler d’elles réveillera le poète qui racontera l’extraordinaire histoire secrète de ce qui faisait de ces mains de virevoltants fanions de promesses.

Dans sa jeunesse Wing Biddlebaum avait été instituteur dans une ville de Pennsylvanie. Il n’était pas connu alors sous le nom de Wing Biddlebaum, mais sous celui moins évocateur de Adolph Myers. Sous le nom de Adolph Myers, il était très apprécié des garçons de son école.

Adolph Myers était destiné de nature à être instituteur pour de jeunes élèves. Il faisait partie de ces rares hommes incompris, qui font preuve d’une autorité si douce, qu’elle passe pour une aimable faiblesse. Dans leur sentiment à l’égard des garçons à leur charge, de tels hommes ne sont pas sans rappeler les femmes les plus raffinées dans leur amour des hommes.

Mais cela n’est raconté que grossièrement. Il faudrait un poète pour ça. Avec les garçons de son école, Adolph Myers marchait en soirée ou restait assis à discuter jusqu’au crépuscule sur les marches de l’école, perdu dans une espèce de rêve. Ses mains allaient ça et là, caressant les épaules des garçons, jouant avec leurs cheveux ébouriffés. En parlant, sa voix se faisait douce et musicale. Elle avait aussi quelque chose d’une caresse. En un sens, la voix et les mains, la caresse des épaules et le toucher des cheveux faisaient partie de l’effort de l’instituteur de faire passer un rêve dans ces jeunes esprits. La caresse de ses doigts était aussi pour lui une façon de s’exprimer. Il faisait partie de ces hommes en qui la force qui crée la vie est diffuse et pas centralisée.

Puis vint la tragédie. Un garçon peu doué tomba amoureux du jeune maître. La nuit, dans son lit, il imaginait des choses impossibles à dire et le matin, il venait raconter ses rêves comme s’ils étaient réellement arrivés. D’étranges et affreuses accusations tombèrent de ses lèvres pendantes. Il passa un frisson à travers la ville de Pennsylvanie. Des doutes cachés et obscurs qui avaient traversé les esprits des hommes au sujet de Adolph Myers furent galvanisés en croyances.

La tragédie ne tarda pas. Des jeunes hommes tremblants furent sortis du lit et questionnés. “Il a posé ses mains sur moi”, dit l’un. “Ses doigts jouaient tout le temps avec mes cheveux”, dit un autre.
Un après-midi un homme de la ville, Henry Bradford, qui tenait un saloon, vint frapper à la porte de l’école. Interpellant Adolph Myers dans la cour de l’école, il se mit à lui donner des coups de poings. Tandis que ses poings frappaient le visage effrayé de l’instituteur, sa colère devenait de plus en plus terrible. Hurlant de consternation, les enfants couraient en tous sens comme des insectes dérangés. “Je vais t’apprendre à poser tes mains sur mon garçon, sale bête,” hurlait le tenancier de saloon qui, fatigué de cogner le maître, s’était mis à lui donner des coups de pied dans la cour.

Adolph Myers fut expulsé de la ville de Pennsylvanie dans la nuit. Munis de lanternes, une douzaine d’hommes apparurent à la porte de sa maison où il vivait seul et lui ordonnèrent de s’habiller et de les suivre. Il pleuvait et un des hommes tenait une corde dans ses mains. Il avaient eu l’intention de pendre l’instituteur, mais quelque chose dans son visage, si petit, si blanc et si pitoyable toucha leurs coeurs et ils le laissèrent fuir.Tandis qu’il s’enfuyait dans la nuit, ils se repentirent de leur faiblesse et le pourchassèrent, en jurant et en lui jetant des bâtons et de grosses boules de boue encore fraîche vers la sihouette qui hurlait et courait de plus en plus vite dans la nuit.

Pendant vingt ans Adolph Myers avait vécu seul à Winesburg. Il n’avait que quarante ans mais en paraissait soixante-cinq. Il trouva le nom de Biddlebaum sur une caisse de denrées aperçue dans une gare de fret tandis qu’il se hâtait vers une ville de l’est de l’Ohio. Il avait une tante à Winesburg, une vieille femme aux dents noires qui élevait des poulets, et il vécut avec elle jusqu’à ce qu’elle meure. Il avait été malade durant une année après l’épisode de Pennsylvanie, et après avoir récupéré, il travailla comme travailleur de jour dans les champs, se déplaçant timidement et s’efforaçant de cacher ses mains. Bien qu’il ne comprenait pas ce qui lui était arrivé, il avait l’impression que ses mains en étaient responsables. Sans cess les pères des garçons avaient parlé des mains. “Garde tes mains sur toi”, avait hurlé le tenancier du saloon, en dansant avec furie dans la cour de l’école.

Sur la véranda de sa maison près du ravin, Wing Biddlebaum continua à marcher de long en large jusqu’à ce que le soleil se couche et que la route soit disparue dans les ombres grises. Rentrant dans sa maison, il coupa des tranches de pain et tartina du miel dessus. Quand le grondement du train du soir, qui emportait les wagons express chargés de la récolte quotidienne de baies, fut fini et quand le silence de cette soirée d’été fut revenu, il revint arpenter la véranda. Dans la nuit il ne voyait pas ses mains et elles restaient calmes. Bien qu’il désirait la présence du garçon, qui était l’intermédiaire par lequel il exprimait son amour de l’homme, la faim refit de nouveau partie de sa solitude et de son attente. Allumant une lampe, Wing Biddlebaum lava les quelques couverts salis par son repas simple, et, installant un lit pliant près de la porte qui menait au porche, se prépara à se déshabiller pour la nuit. Il y avait quelques miettes de pain éparses sur le sol fraîchement lavé près de la table; posant la lampe sur un petit tabouret , il se mit à ramasser les miettes, les portant à sa bouche une par une avec une incroyable rapidité. Dans le dense halo de lumière sous la table, la silhouette agenouillée ressemblait à un prêtre affairé à quelque service de son église. Ses doigts nerveux et inexpressifs, sortant de la lumière et y revenant, auraient pu être pris pour ceux d’un faux dévot égrénant rapidement une décade après l’autre de son rosaire.


 

HANDS - Sherwood Anderson


UPON THE HALF decayed veranda of a small frame house that stood near the edge of a ravine near the town of Winesburg, Ohio, a fat little old man walked nervously up and down. Across a long field that had been seeded for clover but that had produced only a dense crop of yellow mustard weeds, he could see the public highway along which went a wagon filled with berry pickers returning from the fields. The berry pickers, youths and maidens, laughed and shouted boisterously. A boy clad in a blue shirt leaped from the wagon and attempted to drag after him one of the maidens, who screamed and protested shrilly. The feet of the boy in the road kicked up a cloud of dust that floated across the face of the departing sun. Over the long field came a thin girlish voice. "Oh, you Wing Biddlebaum, comb your hair, it`s falling into your eyes," commanded the voice to the man, who was bald and whose nervous little hands fiddled about the bare white forehead as though arranging a mass of tangled locks.

Wing Biddlebaum, forever frightened and beset by a ghostly band of doubts, did not think of himself as in any way a part of the life of the town where he had lived for twenty years. Among all the people of Winesburg but one had come close to him. With George Willard, son of Tom Willard, the proprietor of the New Willard House, he had formed something like a friendship. George Willard was the reporter on the Winesburg Eagle and sometimes in the evenings he walked out along the highway to Wing Biddlebaum`s house. Now as the old man walked up and down on the veranda, his hands moving nervously about, he was hoping that George Willard would come and spend the evening with him. After the wagon containing the berry pickers had passed, he went across the field through the tall mustard weeds and climbing a rail fence peered anxiously along the road to the town. For a moment he stood thus, rubbing his hands together and looking up and down the road, and then, fear overcoming him, ran back to walk again upon the porch on his own house.

In the presence of George Willard, Wing Biddlebaum, who for twenty years had been the town mystery, lost something of his timidity, and his shadowy personality, submerged in a sea of doubts, came forth to look at the world. With the young reporter at his side, he ventured in the light of day into Main Street or strode up and down on the rickety front porch of his own house, talking excitedly. The voice that had been low and trembling became shrill and loud. The bent figure straightened. With a kind of wriggle, like a fish returned to the brook by the fisherman, Biddlebaum the silent began to talk, striving to put into words the ideas that had been accumulated by his mind during long years of silence.

Wing Biddlebaum talked much with his hands. The slender expressive fingers, forever active, forever striving to conceal themselves in his pockets or behind his back, came forth and became the piston rods of his machinery of expression.

The story of Wing Biddlebaum is a story of hands. Their restless activity, like unto the beating of the wings of an imprisoned bird, had given him his name. Some obscure poet of the town had thought of it. The hands alarmed their owner. He wanted to keep them hidden away and looked with amazement at the quiet inexpressive hands of other men who worked beside him in the fields, or passed, driving sleepy teams on country roads.

When he talked to George Willard, Wing Biddlebaum closed his fists and beat with them upon a table or on the walls of his house. The action made him more comfortable. If the desire to talk came to him when the two were walking in the fields, he sought out a stump or the top board of a fence and with his hands pounding busily talked with renewed ease.

The story of Wing Biddlebaum`s hands is worth a book in itself. Sympathetically set forth it would tap many strange, beautiful qualities in obscure men. It is a job for a poet. In Winesburg the hands had attracted attention merely because of their activity. With them Wing Biddlebaum had picked as high as a hundred and forty quarts of strawberries in a day. They became his distinguishing feature, the source of his fame. Also they made more grotesque an already grotesque and elusive individuality. Winesburg was proud of the hands of Wing Biddlebaum in the same spirit in which it was proud of Banker White`s new stone house and Wesley Moyer`s bay stallion, Tony Tip, that had won the two-fifteen trot at the fall races in Cleveland.

As for George Willard, he had many times wanted to ask about the hands. At times an almost overwhelming curiosity had taken hold of him. He felt that there must be a reason for their strange activity and their inclination to keep hidden away and only a growing respect for Wing Biddlebaum kept him from blurting out the questions that were often in his mind.

Once he had been on the point of asking. The two were walking in the fields on a summer afternoon and had stopped to sit upon a grassy bank. All afternoon Wing Biddlebaum had talked as one inspired. By a fence he had stopped and beating like a giant woodpecker upon the top board had shouted at George Willard, condemning his tendency to be too much influenced by the people about him, "You are destroying yourself," he cried. "You have the inclination to be alone and to dream and you are afraid of dreams. You want to be like others in town here. You hear them talk and you try to imitate them."

On the grassy bank Wing Biddlebaum had tried again to drive his point home. His voice became soft and reminiscent, and with a sigh of contentment he launched into a long rambling talk, speaking as one lost in a dream.

Out of the dream Wing Biddlebaum made a picture for George Willard. In the picture men lived again in a kind of pastoral golden age. Across a green open country came clean-limbed young men, some afoot, some mounted upon horses. In crowds the young men came to gather about the feet of an old man who sat beneath a tree in a tiny garden and who talked to them.

Wing Biddlebaum became wholly inspired. For once he forgot the hands. Slowly they stole forth and lay upon George Willard`s shoulders. Something new and bold came into the voice that talked. "You must try to forget all you have learned," said the old man. "You must begin to dream. From this time on you must shut your ears to the roaring of the voices."

Pausing in his speech, Wing Biddlebaum looked long and earnestly at George Willard. His eyes glowed. Again he raised the hands to caress the boy and then a look of horror swept over his face.

With a convulsive movement of his body, Wing Biddlebaum sprang to his feet and thrust his hands deep into his trousers pockets. Tears came to his eyes. "I must be getting along home. I can talk no more with you," he said nervously.

Without looking back, the old man had hurried down the hillside and across a meadow, leaving George Willard perplexed and frightened upon the grassy slope. With a shiver of dread the boy arose and went along the road toward town. "I`ll not ask him about his hands," he thought, touched by the memory of the terror he had seen in the man`s eyes. "There`s something wrong, but I don`t want to know what it is. His hands have something to do with his fear of me and of everyone."

And George Willard was right. Let us look briefly into the story of the hands. Perhaps our talking of them will arouse the poet who will tell the hidden wonder story of the influence for which the hands were but fluttering pennants of promise.

In his youth Wing Biddlebaum had been a school teacher in a town in Pennsylvania. He was not then known as Wing Biddlebaum, but went by the less euphonic name of Adolph Myers. As Adolph Myers he was much loved by the boys of his school.

Adolph Myers was meant by nature to be a teacher of youth. He was one of those rare, littleunderstood men who rule by a power so gentle that it passes as a lovable weakness. In their feeling for the boys under their charge such men are not unlike the finer sort of women in their love of men.

And yet that is but crudely stated. It needs the poet there. With the boys of his school, Adolph Myers had walked in the evening or had sat talking until dusk upon the schoolhouse steps lost in a kind of dream. Here and there went his hands, caressing the shoulders of the boys, playing about the tousled heads. As he talked his voice became soft and musical. There was a caress in that also. In a way the voice and the hands, the stroking of the shoulders and the touching of the hair were a part of the schoolmaster`s effort to carry a dream into the young minds. By the caress that was in his fingers he expressed himself. He was one of those men in whom the force that creates life is diffused, not centralized. Under the caress of his hands doubt and disbelief went out of the minds of the boys and they began also to dream.

And then the tragedy. A half-witted boy of the school became enamored of the young master. In his bed at night he imagined unspeakable things and in the morning went forth to tell his dreams as facts. Strange, hideous accusations fell from his loosehung lips. Through the Pennsylvania town went a shiver. Hidden, shadowy doubts that had been in men`s minds concerning Adolph Myers were galvanized into beliefs.

The tragedy did not linger. Trembling lads were jerked out of bed and questioned. "He put his arms about me," said one. "His fingers were always playing in my hair," said another.

One afternoon a man of the town, Henry Bradford, who kept a saloon, came to the schoolhouse door. Calling Adolph Myers into the school yard he began to beat him with his fists. As his hard knuckles beat down into the frightened face of the schoolmaster, his wrath became more and more terrible. Screaming with dismay, the children ran here and there like disturbed insects. "I`ll teach you to put your hands on my boy, you beast," roared the saloon keeper, who, tired of beating the master, had begun to kick him about the yard.

Adolph Myers was driven from the Pennsylvania town in the night. With lanterns in their hands a dozen men came to the door of the house where he lived alone and commanded that he dress and come forth. It was raining and one of the men had a rope in his hands. They had intended to hang the schoolmaster, but something in his figure, so small, white, and pitiful, touched their hearts and they let him escape. As he ran away into the darkness they repented of their weakness and ran after him, swearing and throwing sticks and great balls of soft mud at the figure that screamed and ran faster and faster into the darkness.

For twenty years Adolph Myers had lived alone in Winesburg. He was but forty but looked sixtyfive. The name of Biddlebaum he got from a box of goods seen at a freight station as he hurried through an eastern Ohio town. He had an aunt in Winesburg, a black-toothed old woman who raised chickens, and with her he lived until she died. He had been ill for a year after the experience in Pennsylvania, and after his recovery worked as a day laborer in the fields, going timidly about and striving to conceal his hands. Although he did not understand what had happened he felt that the hands must be to blame. Again and again the fathers of the boys had talked of the hands. "Keep your hands to yourself," the saloon keeper had roared, dancing, with fury in the schoolhouse yard.

Upon the veranda of his house by the ravine, Wing Biddlebaum continued to walk up and down until the sun had disappeared and the road beyond the field was lost in the grey shadows. Going into his house he cut slices of bread and spread honey upon them. When the rumble of the evening train that took away the express cars loaded with the day`s harvest of berries had passed and restored the silence of the summer night, he went again to walk upon the veranda. In the darkness he could not see the hands and they became quiet. Although he still hungered for the presence of the boy, who was the medium through which he expressed his love of man, the hunger became again a part of his loneliness and his waiting. Lighting a lamp, Wing Biddlebaum washed the few dishes soiled by his simple meal and, setting up a folding cot by the screen door that led to the porch, prepared to undress for the night. A few stray white bread crumbs lay on the cleanly washed floor by the table; putting the lamp upon a low stool he began to pick up the crumbs, carrying them to his mouth one by one with unbelievable rapidity. In the dense blotch of light beneath the table, the kneeling figure looked like a priest engaged in some service of his church. The nervous expressive fingers, flashing in and out of the light, might well have been mistaken for the fingers of the devotee going swiftly through decade after decade of his rosary.