"Our Twisted Hero" (1987) a novel by Yi Munyol - Excerpt
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Yi Munyol (born May 18, 1948) is a South Korean writer. Plot of "Our Twisted Hero": This story is told by a man named Han Byeong-tae, recalling his memories when he was in 5th grade. Due to Byeong-tae's father fails in business, they move to a low town and go to Y Elementary School. There, he meets Eom Seokdae, a president of the 5th grade and one who holds everything in his grade, more than his teacher. However, it is really Eom Seokdae forcing students by force to follow him. Byeong-tae, tries to defend from Seokdae and have a battle in his power and pretty soon enough, everything goes wrong for him; his parents misunderstand him, his grades go down and his power rankings also go down...So he loses, give up, and goes under the Seokdae's power. After it, Seokdae gives him a great treatment. First of all, he restores Byeong-tae's power rankings to normal, but higher than before. Second, he makes everyone play with Byeong-tae and is not alone. Byeong-tae also gets his grade back. But the story says, "I was thankful to Seok-hyen. But when I think it back, those things were the things I had lost to Seokdae. He has just given it back." But when Byeong-tae goes to 6th grade, Seokdae's power breaks, due to the new teacher who have senses in the goings. Seokdae, leaves the school and is last seen by Byeong-tae, saying "Do it well." The story zooms to the present. Byeong-tae's riding the train to where Seokdae is living to get a face of him. On the train, someone is being dragged by polices and is surprisingly Eom Seokdae. However, he does not recognize Byeong-tae.
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Copyright © 2001 Yi Munyol. Copyright © 1987 by Kevin O'Rourke. |
Notre héros défiguré de Yi Munyol |
Tout cela remonte à presque trente années maintenant, mais chaque fois que je repense au combat pénible et solitaire que je dus mener du printemps à lautomne de cette année-là, je retombe dans la même affliction et la même détresse quà lépoque. Dune façon ou dune autre, nous sommes sans cesse empêtrés dans ce genre de lutte, mais si jéprouve toujours un tel sentiment, cest sans doute parce que, aujourdhui encore, je ne men suis pas vraiment sorti. Vers la mi-mars de cette année-là, à lépoque où le Parti libéral saccrochait encore au pouvoir, je quittai létablissement de qualité où jétais inscrit à Séoul pour lécole tout à fait quelconque dune petite ville de province. Toute ma famille déménagea parce que mon père, en tant que fonctionnaire, avait été victime dun conflit politique interne. Je venais à peine dentrer en cinquième année. En arrivant à lécole primaire Y, le premier jour, je fus extrêmement déçu, pour diverses raisons. A mes yeux, habitués à des immeubles neufs, disposés autour des trois étages en briques dun bâtiment principal, cette construction de style japonais, ces murs en plâtre et ces quelques classes aux tableaux en goudron délabrés parurent indescriptiblement miteux. Ils provoquèrent en moi la déception mélodramatique que doit ressentir un jeune prince détrôné. Mis à part les questions de dimension et de qualité, il est possible que le seul fait de venir dune école où il y avait seize classes par niveau mait fait regarder avec un dédain hautain une école qui en comptait à peine six. Et, comparées aux classes mixtes, les classes pour garçons et pour filles, bien séparées, me semblèrent très provinciales. La salle des maîtres vint confirmer cette première impression. Celle de lécole doù je venais, comme celles des meilleurs établissements de Séoul, était vaste et brillante. Tous les maîtres étaient soignés et pleins de vie. Mais celle-là était tout juste de la taille dune classe, et les enseignants y fumaient comme des cheminées, à la manière des paysans, assis, mornes, minables et anonymes. Le maître responsable, reconnaissant ma mère, vint vers nous. Lui non plus ne correspondait pas à mon attente. Sans aller jusquà demander une maîtresse aimable et jolie, je pensais au moins avoir un enseignant stylé, doux et attentif. Mais les taches dalcool de riz sur sa veste me prouvèrent demblée quil nétait pas à la hauteur. Ses cheveux étaient ébouriffés : il ne devait pas sêtre servi dun peigne, encore moins dun produit de toilette quelconque. Il y avait peu de chances quil se soit passé de leau sur le visage ce matin-là, et son attitude laissait à penser quil nécoutait pas vraiment ce que lui disait ma mère. A franchement parler, jétais terriblement déçu que ce soit là mon nouveau maître. Jeus peut-être alors le pressentiment de la malchance qui allait sabattre sur moi toute lannée à venir. Cette malchance se manifesta dailleurs peu après, quand je fus présenté à la classe. Voici le nouveau, Han Pyongtae. Jespère que vous vous entendrez bien. Après ces quelques mots, le maître me fit asseoir à une place vide au fond de la classe, et passa au travail du jour. En pensant aux attentions des enseignants de Séoul, qui faisaient invariablement durer les présentations, au point den créer de la gêne, je ne pus dissimuler ma déception. Il navait certes pas à maccueillir avec tambours et trompettes, mais il aurait pu, par exemple, dire aux autres élèves ce que javais fait. Cela maurait aidé, du moins je le croyais, dans mon premier contact avec les autres. Deux choses méritaient pourtant dêtre mentionnées : dabord mon travail. Je navais pas souvent été premier, mais, dans une excellente école de Séoul, je faisais tout de même partie des cinq meilleurs. Jen étais assez fier. Cela avait joué un rôle certain dans létablissement de bonnes relations non seulement avec mes maîtres, mais aussi avec les autres enfants. Par ailleurs, jétais aussi très bon en dessin. Manifestement pas assez pour gagner un concours national pour enfants, mais suffisamment pour en remporter quelques-uns au niveau de la capitale. Je suppose que ma mère avait insisté sur mes bons résultats et mon talent artistique, mais le maître nen avait absolument pas tenu compte. La situation de mon père aurait aussi pu éventuellement me servir. Quimporte sil avait subi un sérieux revers à Séoul, suffisamment sérieux pour le faire reléguer en province, il était tout de même appelé à devenir lune des principales personnalités de cette petite ville. Malheureusement, les enfants savérèrent semblables au maître. A Séoul, quand un nouveau arrivait, les autres élèves profitaient de la première récréation pour lentourer et lui poser des questions comme : Est-ce que tes bon élève ? Tes fort ? Tas les moyens ? enfin des questions dans ce genre-là, ce quon pourrait appeler réunir les renseignements nécessaires à la prise de contact. Mais mes nouveaux camarades de classe, comme mon nouveau maître, ne sintéressèrent pas à tout ça. A la récréation, ils restèrent à distance, me lançant des regards à la dérobée, et quand enfin, à lheure du déjeuner, quelques-uns sapprochèrent, ce fut pour me demander des trucs comme : Tas déjà pris le tramway ? Tas vu la Grande Porte du Sud ? En fait, il ny eut que mon matériel scolaire pour les attirer ou les impressionner : il était de qualité, et jétais le seul à en posséder un pareil. Mais, presque trente années plus tard, ce qui fait que cette journée reste à ce point gravée dans ma mémoire, cest la rencontre de Om Sokdae. Alors que les autres enfants mentouraient dans la classe pour me poser des questions sans intérêt, jentendis tout à coup une voix assez basse : De lair, vous tous ! Cétait une voix suffisamment adulte pour que je me demande un instant si le maître nétait pas revenu. Les enfants sursautèrent et reculèrent brusquement. Moi aussi, javais été pris par surprise. Je me retournai alors et vis un garçon assis à un pupitre au fond de la classe. Il était solidement campé là et nous regardait avec un air imposant. Nous navions été ensemble en classe quune seule heure, et cependant je lavais déjà repéré. A la façon dont il avait crié : Attention ! Saluez ! quand le maître était entré, javais conclu que ce devait être le chef de classe. Mais ce qui mavait fait le repérer parmi une soixantaine denfants, à peu près tous de la même taille, ne tenait pas tant à son rôle de chef de classe quau fait que, même assis, il faisait une tête de plus que tous les autres, et que ses yeux semblaient vous transpercer. Tu as bien dit que tu tappelais Han Pyongtae, hein ? Viens ici ! Il avait à nouveau parlé avec cette voix basse et ferme. Ce fut tout. Il navait pas bougé le petit doigt et moi jétais déjà presque sur le point de me lever, subjugué par son regard étrange. Mais quelque chose me poussa à résister, avec cette férocité que javais apprise en vivant à la capitale. Cest le premier combat cette conviction se grava soudain en moi et je décidai de mener ce combat jusquà son terme. Je me dis que si je me comportais comme une proie facile dès la première escarmouche, ma vie dans cette école ne serait pas facile. Mais ma réaction tenait aussi à une curieuse défiance devant lobéissance déconcertante et quasi absolue des autres élèves. Je lui demandai avec méfiance, retenant ma respiration : Quest-ce que tu veux ? Il ricana dédaigneusement, et dit : Je veux te demander quelque chose. Si tu as quelque chose à me demander, viens ici. Quoi ? Un instant, son regard devint méchant, puis il ricana à nouveau, comme pour signifier : On aura tout entendu. Il najouta rien, mais ses yeux sattardèrent sur moi avec une telle intensité quil me fut difficile de soutenir son regard. Je métais trop engagé. Je me dis que cétait une sorte de combat, et je rassemblai mes forces. Deux des plus grands élèves assis à ses côtés se levèrent et sapprochèrent de moi. Lève-toi ! Ils avaient tous deux lair furieux, et semblaient prêts à fondre sur moi. Et, quoi que je puisse envisager, je naurais en aucun cas fait le poids. Dun seul coup, je fus mis sur mes pieds. Lun des deux mattrapa le col et cria : Om Sokdae ta appelé ! Cest le chef de classe ! Cétait la première fois que jentendais son nom. Il se grava dans ma mémoire dès cet instant, peut-être en raison du ton de voix étrange du garçon qui lavait prononcé. Cétait comme sil avait nommé quelquun de très important ou de très noble, comme si seuls convenaient respect et obéissance. Je me figeai à nouveau, mais il nétait pas question de baisser les bras : Qui êtes-vous, les gars ? Moi, je suis chargé du sport, et lui, il soccupe du ménage de la classe. Bon, et alors ? Om Sokdae, notre chef de classe il ta pas appelé ? A entendre pour la deuxième fois que son nom était Om Sokdae, quil était chef de classe, et que, pour cette raison, je devais mavancer et attendre ses ordres, je commençai à me sentir intimidé. Mon expérience des chefs de classe de Séoul mavait montré quune telle fonction navait rien à voir avec la force physique. Ils étaient quelquefois nommés parce quils appartenaient à des familles riches, ou parce quils étaient forts en gym, mais en général, le chef de classe et son adjoint étaient choisis en fonction de leurs résultats scolaires. Mis à part le prestige que ce poste conférait, leur rôle se limitait à servir de messagers entre nous et le maître. Et dans les rares cas où ils étaient physiquement supérieurs, ça ne leur servait pratiquement jamais contre les autres, ni pour imposer des tâches serviles. Ce nétait pas en vue des élections suivantes, mais simplement parce que les enfants ne lauraient pas toléré. Ce jour-là pourtant, je rencontrai un tout nouveau type de chef de classe. Il suffit quil appelle, cest ça ? Il faut accourir et attendre ses ordres ? demandai-je, faisant une dernière tentative, avec la détermination dun véritable Séoulite. Je ne pouvais pas comprendre ce qui arriva ensuite. Les mots étaient à peine sortis de ma bouche que les autres élèves éclatèrent de rire. Plus de cinquante enfants sesclaffèrent, y compris les deux qui sen étaient pris à moi et Om Sokdae, comme si je venais de dire quelque chose de particulièrement stupide. Jétais totalement perdu. Puis, au moment où je reprenais tout juste assez le contrôle de moi-même pour me demander ce qui avait bien pu provoquer une telle hilarité, le garçon qui soccupait du ménage étouffa son rire et demanda : Tu veux dire que tobéis pas quand le chef de classe tappelle ? De quelle sorte décole tu viens ? Où cétait ? Y avait pas de chef de classe ? Comment expliquer la brusque déviation dérisoire de lesprit dont je fus victime à cet instant précis ? Jeus alors le sentiment de très mal agir, de tenir tête au maître qui mavait appelé. Il est probable quaccablé par cette hilarité générale et interminable, mon esprit donna forme à une illusion qui allait me permettre de justifier ma sujétion. Tandis que je mapprochais avec hésitation de Om Sokdae, son rire bruyant se changea en sourire accueillant. Cest si difficile que ça de venir une minute ? Sa voix était différente, comme teintée daffection. Je fus tellement touché par sa douceur que je minclinai presque. Mais jétais toujours retenu par une certaine méfiance, et quoiquelle ait perdu de sa force, elle mempêcha de faire une chose à ce point dépourvue de dignité. Cependant Om Sokdae était vraiment quelquun de différent. En quelques instants, il navait pas seulement fait sévanouir limpression que je pouvais ressentir davoir été conduit vers lui contre ma volonté, mais il mavait libéré de la déception que le maître avait provoquée. De quelle école de Séoul tas dit que tu venais ? Cétait une grande ? Une bonne, jimagine ? La nôtre est pas comparable, hein ? Avec ces questions, il me fournissait loccasion de me vanter de mon école de Séoul : je pus lui dire quil y avait plus de vingt classes de troisième année, que lécole existait depuis plus de soixante ans, et quà lexamen dentrée de cette année, plus de quatre-vingt-dix élèves avaient été admis au collège Kyonggi. Quest-ce que tavais comme notes ? Tétais classé comment ? Tétais bon en quoi ? me demanda-t-il, me donnant loccasion de me faire valoir avec le premier prix de coréen que javais gagné en quatrième année (notre école délivrait déjà des prix dans chaque matière) et celui de dessin que javais remporté lannée davant au palais Kyongbok. Ce ne fut pas tout. Cétait presque comme si Sokdae pouvait lire dans mon cur. Il minterrogea sur mon père et sur ma famille. Et je me retrouvai, sans avoir besoin de jouer les importants, à expliquer aux autres que mon père était le numéro deux de ladministration locale, que nous vivions confortablement, que nous avions la radio et trois horloges, y compris la pendule du mur. Cest bien ça Voyons Sokdae croisa ses bras comme un adulte, me donnant limpression quil avait quelque chose en tête. Il désigna un pupitre en face du sien. Tu tassieds là. Cest ta place. Cet ordre inattendu me réveilla un peu. Le maître ma dit de masseoir là, dis-je, me souvenant de la façon dont les choses se faisaient à Séoul, mais sans toutefois faire preuve du même esprit combatif quun instant auparavant. Sokdae fit comme sil navait pas entendu. Hé, Kim Yongsu, change de place avec Han Pyongtae ! Sur lordre de Sokdae, le garçon rassembla ses affaires dans son sac, sans dire un mot. Lobéissance absolue de cet élève me sidéra une fois de plus. Jhésitai un instant, voulant ainsi tout de même exprimer mon désaccord, puis je finis par changer de place. © Yi Munyol@ Actes Sud, 1990 pour la traduction française |